Expliquée par Pierre Gilbert
« La construction GREB est originaire d’une recherche qu’on a mené dans les débuts du GREB, avec pour critère l’utilisation des ressources locales du Québec. On a du bois, des pierres calcaires, de la chaux, de la sciure de bois. On avait aussi dans l’idée de mettre au point une technique facile à auto-construire, qui permettrait aux populations de se prendre en main et aussi de réduire le coût. Cette démarche s’inscrivait dans une proposition de projet de société axée sur la relocalisation de l’économie. Finalement, dans notre recherche, nous n’avons pas fait des choix technologiques mais plutôt un choix d’intelligence technique, qui s’inscrivent d’avantage dans le courant du « Low-tech » Aujourd’hui, on voit beaucoup de performances d’ingénieurs qui conçoivent des projets très complexes avec des technologies embarquées, qui fonctionnent par la domotique, s’autorégulent et qui donnent de bon résultats. »
CONCEPTION ET PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE
« (…) La réussite extraordinaire de la recherche de la technique du GREB, a été de combiner des techniques et des principes de physique simples pour parvenir à un type de maison aussi performant que les types de maisons écologiques actuelles qui font appel à tous les matériaux industriels et à toutes les technologies embarquées. La technique du GREB, permet en plus de sa performance éco énergétique, une empreinte écologique très faible à sa construction et une séquestration du carbone qui en fait un véritable moyen de lutter contre le réchauffement climatique. C’est la quantité de bois qui compose une maison qui détermine son empreinte carbone. Au Québec, on construit nos maison en structure bois, mais selon nos calculs, les constructions « traditionnelles » n’utilisent pas suffisamment de bois pour qu’elles séquestrent du carbone de manière significative. Pour y parvenir, il faut augmenter la quantité de matériau à base de carbone dans le bâtiment.
La technique du GREB utilise des montants de bois, de la sciure de bois dans le mortier et de la paille, ce qui va réellement permettre de séquestrer du carbone. On n’a pas besoin d’attendre plusieurs décennies avant que le bilan carbone de la construction passe au positif pour la séquestration de carbone. Au moment de la construction, le bâtiment est déjà efficace de ce point de vue-là. Et c’est important car ce n’est pas dans 50 ans qu’il faut commencer à être efficace contre le réchauffement climatique mais maintenant.
Au-delà de la construction du bâtiment lui-même, la technique du GREB permet de réduire drastiquement la consommation énergétique à l’usage, en utilisant les principes bioclimatiques de base. L’architecture de base est pensée pour valoriser l’apport solaire thermique l’hiver, car malgré la neige, l’hiver le soleil est bas et il constitue un bon apport thermique. L’été, le soleil est plus haut, mais une maison bioclimatique bien conçue est capable de se climatiser toute seule. Après avoir élaboré la conception de la maison selon ces principes de base, on introduit le foyer de masse à l’intérieur. »
EFFICACITÉ STRUCTURELLE ET ÉNERGÉTIQUE PROUVÉE
« Beaucoup de test ont étés réalisé sur les murs « GREB » pour en tester la résistance à la compression et à la poussée latérale. Les conclusions de ces tests destructifs permettent d’établir que la résistance des murs est très élevée. La performance thermique a également été testée en laboratoire. Malgré la hausse des exigences réglementaires thermiques au Québec en 2011 (qui exige R 25 en unité impériale, R 26 pour notre région qui est plus aux nord), le mur GREB permet de répondre largement à cette réglementation puisqu’il a été mesuré à R 30 (équivalent à une résistance thermique R=5,29 (m².K)/W), au-delà donc des normes très élevées du Québec.
Avec une conception compacte, le foyer de masse et la performance thermique apportée par le mur GREB, l’inertie thermique de la construction est énorme. Le foyer de masse permet un chauffage par rayonnement infra-rouge, ce sont les murs et le foyer en lui-même (le plus souvent en terre) qui vont restituer la chaleur par rayonnement et non l’air qui est chauffé, comme c’est le cas avec les convecteurs électriques par exemple . Le confort physiologique de ce type de chauffage est incomparable puisqu’il est le plus proche des systèmes que l’on peut ressentir dans la nature, par le rayonnement solaire. L’été cette inertie thermique est mise à profit pour climatiser le bâtiment (en stockant la fraîcheur de la nuit). Des grands balcons permettent d’éviter le rayonnement solaire. Le toit en bardeau de cèdre clair permet de réfléchir la chaleur et la ventilation nocturne permet de conserver une température à 21°C maximum en cas de grosses chaleurs, exceptionnellement à 23°C dans les cas de canicules. La masse thermique du bâtiment permet même de cuisiner au bois l’été tout en maintenant les 21°C. »
FACILITÉ DE RÉALISATION/ AUTOCONSTRUCTION
« La technique du GREB a été conçue pour être simple d’assemblage. Elle utilise des montants de bois qui sont de dimensions standards (pour le Québec…) On achète à la quincaillerie le bois sans se poser de questions, pas besoin de le faire scier à des dimensions particulières. Au Québec c’est donc extrêmement simple à construire, tout s’emboite comme un jeu de mécano. En plus de ça, les ballots de paille sont parfaitement de la bonne dimension.
En mesure impériale, la largeur d’un mur est de 18 pouces ( 46 cm environ) un ballot de paille sur son champ mesure 14 pouces (36 cm). Les montants de bois font 1,5 pouces (3,8 cm) chacun. On ajoute un pouce supplémentaire pour permettre au mortier de bien s’intégrer contre les ballots. Donc 14+3+1=18. Or les bois qui nous servent de poteaux, sont des 2×7,5 pouces donc 15 pouces plus deux montant à 1,5 on tombe aussi sur 18. Donc tout s’emboite, pas besoin de faire recouper le bois hormis en longueur. C’est à se demander si les dimensions standards du bois au Québec n’ont pas été conçues pour la technique du GREB, comme si c’était l’aboutissement ultime ! »
DES MATÉRIAUX DE BASE NON TRANSFORMÉS
« La technique a aussi l’avantage d’avoir très peu de matériaux mis en œuvre, contrairement aux techniques modernes. On a besoin d’un tas de sable, un tas de chaux, de la sciure de bois, du bois et des ballots de paille. Avec ça on peut réaliser toute la maison, y compris l’intérieur avec des matériaux bruts, non transformés et pratiquement non industriels.
Le ciment « portland » est en quantité équivalente avec la chaux. Nous avons décidé d’utiliser un mortier maçonné (appelé en France le mortier bâtard ou mortier de type « N » au Québec : chaux+ciment) auquel nous avons décidé d’enlever la moitié du ciment pour remplacer par de la sciure de bois. On obtient ainsi un mortier très allégé, très poreux, plus poreux que l’argile. Il est également très structurel et assure le contreventement de la maison, ce qui va permettre une grande liberté architecturale. On peut monter plusieurs étages, des tests sont actuellement en cours en France pour déterminer combien d’étage sont envisageables au-delà de deux. Au-delà de ses capacités structurelles, ce mortier est également capable de réguler l’humidité relative qui traverse le mur sans condensation et donc sans moisissure. Il joue un très bon rôle de pare-vapeur. Ce matériau peut facilement se visser, se clouer et se couper à la scie. »
LE GREB DANS LE CONTEXTE DE CONSTRUCTION PAILLE QUÉBÉCOIS / RAPIDITÉ D’ÉXÉCUTION
« Avant d’en arriver à développer cette technique-là, on a étudié les différentes technique qui existaient dans la construction en paille au Québec : Technique paille + mortier, paille + béton (technique complètement abandonnée aujourd’hui) et enfin paille + Argile (encore beaucoup utilisée aujourd’hui). Notre objectif était de diminuer le temps d’exécution, car toutes les autres techniques étaient assez longues de réalisation. Au Québec, l’été est court et le séchage de l’argile prend beaucoup de temps, il fallait trouver une solution pour rendre le temps de réalisation plus court et donc de fait, plus économique. A titre indicatif, une construction paille et argile prend plus d’une année, ce qui est très exigent. La technique du GREB permet de faire monter la charpente rapidement (ou alors de le faire soi-même si on souhaite être complètement en auto-construction). Il suffit de trouver des charpentiers ouvert d’esprit car le montage de la structure n’est pas conventionnel puisqu’on pose les montants dans le sens du mur ( !) »
« C’est d’ailleurs la partie la plus critique de la technique du GREB, empêcher les ouvriers qui veulent améliorer la charpente car il ne s’agit pas de penser uniquement comme un charpentier mais de mêler les deux approches de la structure bois & de la maçonnerie, avec l’étape du coulage du mortier…
Au Québec on ne fonctionne pas avec des chevrons comme en France mais avec des fermes de toits. Donc on les fait réaliser en atelier (ou on peut les faire soi-même) et on les pose en une journée !
Globalement on peut considérer qu’on peut facilement entamer le gros-œuvre au printemps et avoir terminé au mois de juillet, y compris les gaines et réseaux. On peut ensuite faire le remplissage et coulage des murs en auto-construction, même si cette étape demande beaucoup de main d’œuvre, c’est là qu’on apprécie la collectivité du chantier. Le second œuvre peut ensuite être terminé pour l’automne, toujours en auto-construction ou faire revenir l’entreprise. »
Marion Teste
Super article! Hâte que vous nous fassiez découvrir d’autres techniques rencontrées sur votre route.