Echale A tu Casa : Projet social et développement d’un système de construction en blocs de terre au Mexique

Contexte : L’habitat au Mexique

Selon Francisco Piazzesi, entrepreneur et fondateur de la société « Echale a tu Casa », le Mexique présente un déficit de 9 millions d’habitats, ce qui représenterait environ 30 millions de personnes mal logées. Au Mexique comme dans beaucoup d’autres pays dans le monde, 2 habitats sur 3 seraient construits par ses propriétaires et le plus souvent à partir de matériaux récupérés à droite à gauche, économiques : cartons, tôles, déchets industriels…Ces habitats précaires offrent un environnement rarement saint. De plus, peu pérennes, ils ne peuvent pas se transmettre en tant que bien matériels aux générations futures d’une famille.

 En 1987, Francisco Piazzesi tente de faire avancer les choses en fondant une organisation caritative mais selon lui, la philanthropie seule ne suffit pas.  En 2006, il fonde alors « Echale a tu casa » (« Fais ta maison ») une entreprise de promotion dite sociale (http://www.echale.com.mx)Camille_Nestor

Présentation, concept participatif

 « Echale a tu casa » est un programme de développement social ayant pour but de permettre l’accès à un logement digne et durable pour les familles mexicaines défavorisées et souvent marginalisées dans les zones rurales ou semi-urbaine . Cette entreprise met en place des projets de construction d’habitat social basé sur la participation de la communauté au chantier. Cette méthode permet d’une part d’intégrer les familles à la réalisation de leur foyer et de les former à des techniques de constructions durables, mais également de sensibiliser les populations défavorisées aux préoccupations environnementales liées à l’habitat et à son impact sur les modes de vie.

« Echale à tu casa » propose des projets immobilier mettant à disposition les moyens nécessaires aux familles pour participer à la construction de leur habitat : logistique, architecture, ingénierie et matériel. Le programme met en place différentes actions comme l’intégration sociale à travers la formation pour la construction de logements « sains » et durables ainsi que l’éducation financière, qui permet aux familles de générer des bénéfices et de mieux gérer leur budget à travers l’expérience de construction communautaire.Vivienda_EchaleEchale_Interior

Coût et financement

Une maison d’une cinquantaine de m² revient à un prix moyen 170 000 Pesos, soit environ 8000€. Selon Nestor, ce prix serait de 25 à 30 % inférieur à la construction d’une habitation équivalente selon un système traditionnel. La plupart du temps, ces projets concernent des gens qui ont peu voir pas de travail. Le gouvernement apporte une subvention à hauteur de 40 à 50% du coût du logement social. L’autre partie est financée par les futurs habitants, qui obtiennent alors un crédit. En travaillant sur le chantier de leur propre logement, les revenus obtenus en tant que main d’œuvre leur permettent alors de les aider à rembourser ce crédit. A l’issu de l’opération, ils peuvent valoriser une formation et un savoir-faire dans la construction et continuer de travailler sur de nouveaux projets au sein de nouvelles communautés pour former les prochains habitants-constructeurs.

Lors d‘une visite de chantier, Nestor, le chargé du projet nous explique le concept : « L’idée est d’inviter chaque personne à participer à la construction de se maison. Les gens que l’on voit travailler sur le chantier en ce moment sont justement des gens de la communauté. Nous les formons au système constructif spécifique du projet ».

Technique de construction

La technique de construction mise au point par « Echale a tu casa » n’est ni plus ni moins qu’une brique d’adobe améliorée, renforcée avec du ciment, selon un mode de production in situ rapide grâce à une machine de compression des blocs. La société a nommé ce produit « Adobloc », contraction de Adobe (brique de terre) et bloc.  Les blocs dits « stabilisés »  se composent de 85% de terre et 15% de ciment. La technique des blocs compactés utilise moins d’eau que les adobes traditionnels et le temps de séchage en est réduit. Trois jours seulement sont nécessaires après la sortie de la machine pour que les blocs puissent être utilisés.Machine_Terre_Compactée

Avec la machine, les habitants produisent jusqu’à 2000 blocs par jour, quand une habitation de 50 m² avec deux chambres requiert 2400 blocs. Un jour de production d’adobe permet donc quasiment de produire les blocs nécessaires pour une habitation simple.

Sur le site visité, ces briques de terres sont d’une apparence bien différente aux adobes traditionnelles que nous avons pu observer jusqu’ici. D’une part car les adobes sont compressées en machine, ce qui leur donne un aspect plus industriel et plus régulier, d’autre part parce que la terre qui les compose est spécifique de la région de Tabasco. Cette terre blanche est appelée « sascab » mot d’origine maya signifiant « Terre blanche ».  Echale_A_tu_Casa

L’une des spécificités de ce bloc mis au point par « Echale a tu Casa » est d’avoir deux trous en travers de la brique, une forme qui rappelle les traditionnels parpaings qui permettent de monter les murs en conservant un système d’acier vertical pour la structure de renfort. Les maisons types sont évidemment dessinées en fonction de la dimension standard du bloc pour éviter toute perte de matériau.

Les limites du projet ?

Sur le site que nous avons visité dans la ville de Tenosique, la société prévoit de construire près de 500 habitations sur un mode participatif. Sur un tel projet, la question du développement urbain et de l’organisation d’un tel quartier se pose…

Si ce mode constructif semble ouvrir la voie à une réinsertion sociale par la formation et la sensibilisation d’une communauté à des questions environnementales,  la solution réside-t-elle pour autant dans la mise en œuvre systématique de tels quartiers résidentiels aux abords des villes ? D’un point de vue urbain 500 habitations organisées selon un plan quadrillé peuvent-elles réellement créer un quartier socialement viable ?

Si la solution de l’adobe stabilisée compactée en machine permet l’utilisation de la terre locale et la production par les habitants d’un matériau de construction durable, le modèle d’habitat peut-il- pour autant être systématisé dans n’importe quelle région du pays, dans des contextes et des territoires variés ?

Ces projets immobiliers aux intentions nobles basées sur solutions de construction locales et sur un programme social gagneraient probablement à sortir d’avantage de cadre de la promotion immobilière et à enrichir la réflexion architecturale et urbaine pour une approche d’avantage contextuelle…

C.